Découverte du puits Saint Barthélemy par Marie Jo Culioli Vichera

La mise en tourisme du circuit “Puits Saint Barthélemy - Escalier du Roy d’Aragon” est à l’étude. On en parle depuis tant d’années... Tels des spéléologues, nous nous préparons à vivre un moment rare. Construit au milieu du 19eme siècle par le génie militaire pour atteindre un lac en eau douce situé à quelques mètres au dessus du niveau de la mer, l’ouvrage de 340 marches a été creusé depuis le sommet de la falaise. La porte franchie, on aperçoit un parapet circulaire bordant un orifice de 3 mètres de diamètre. Etonnante la bouffée d’air glacé qui nous frappe le visage dès que l’on pénètre dans l’orifice supérieur du puits haut de 60 mètres. Tout comme l’odeur caractéristique d’un lieu fermé depuis des décennies que j’identifie immédiatement à celle des grottes naturelles qui existaient en arrière boutique des commerces situés sur le port. Réellement surprenant, le pouvoir d’une simple odeur à faire ressurgir à la surface les souvenirs d’enfance.

Un escalier se présente. Il déroule ses marches en pente douce en contournant l’énorme tube creux du puits, comme une bande posée en spirale. Le casque s’avère vite indispensable à toute personne de grande taille car hypnotisés par le trou noir béant vers lequel nos regards convergent régulièrement, on en oublie de se pencher dans ce boyau qui nous aspire doucement. Quelle sensation étrange, nous sommes à 20 où 30 mètres de la surface, enfermés au cœur de la falaise. En file indienne, nous descendons attentifs aux marches de lauze du Cap Corse. D’abord poussiéreuses ces dernières deviendront visqueuses sur la dernière partie. Le sol est détrempé désormais. L’eau douce n’est plus très loin. Le conduit et les parois suintent de toutes parts offrant même à nos regards une étonnante paroi jaune sulfureux. Quand soudain apparaît un lac souterrain au cœur d’une grotte immense.

L’eau y est immobile, cristalline. Nos accompagnateurs ayant pris soin de placer un spot dans l’eau, l’étendue bleutée nous livre foule de détails alors que des reflets lumineux dansent sur la paroi. Sur le bord, le sol est recouvert d’un sable blanc. Je frissonne de tant de beauté. Dans ce grand silence de la pierre, chacun se laisse envahir par une émotion particulière. Au fond se dessine l’entrée noire et pesante de deux nouvelles grottes. On pourrait imaginer voir surgir au fond de cette antre sacrée où s’enfonce le lac solitaire, la face blême de Charon, nautonier des enfers. Notre accompagnateur qui l’a explorée a cru un temps y trouver le trésor de Rommel.
Reprenant mes esprits, je me tourne vers le point lumineux à l’arrière.

Le sol est parsemé de blocs de pierres et tout au fond une grille en ferme l’accès. Le bruit du ressac se fait entendre comme une douce musique. Et la mer est là, vivante et lumineuse. L’azur pastel du ciel se découpe prodigieusement dans le décor. Les côtes de la Sardaigne se devinent au loin. Et l’on imagine alors aisément que demain, ce passage permettra de rejoindre le cheminement bas de l’escalier du Roy d’Aragon en apercevant les silhouettes des institutionnels chargés de mettre en musique sécuritaire les lieux... 
Après le bastion de l’Etendard, c’est un nouveau bijou de notre riche patrimoine bonifacien que l’on espère au plus tôt mettre en lumière. Forts de cette perspective, les marches du retour nous semblent alors beaucoup moins hautes pour rejoindre la surface...

​merci à Marie Jo Cullioli Vichera pour le texte et les photos ® mjoculiolivichera